vendredi 9 juillet 2010

Exposition - Objets désabusés, avez-vous donc une âme ? - L'Alsace

Exposition - Objets désabusés, avez-vous donc une âme ? - L'Alsace



« Romances sans paroles » est l’exposition de l’été à la Kunsthalle, le centre d’art contemporain de Mulhouse, où l’on peut découvrir les œuvres d’une quinzaine d’artistes.

Pas facile le travail de curateur d’art contemporain, surtout quand il s’agit de donner une cohérence globale à une exposition comprenant des œuvres imposées, en l’occurrence celles des cinq jeunes diplômés de la section Art de l’école d’art du Quai. C’est peut-être pour cela qu’il en fallait deux : à Sandrine Wymann, qui dirige la Kunsthalle depuis sa création, s’est ajouté pour cette exposition Ami Barak, grand nom de l’art contemporain.

De leur réflexion est née une exposition dont le fil conducteur est « un esprit romantique mis au goût du jour, un rapport au paysage, une attitude par rapport au passé, aux objets, une certaine poésie désenchantée, désabusée, qui rime avec la dépression ambiante », précise Ami Barak, appelant volontiers à la rescousse Freud, mais aussi Verlaine, à qui le titre de l’exposition, Romances sans paroles, a été emprunté.

Construite comme un jeu de miroir, l’exposition fait se répondre entre elles les œuvres des jeunes créateurs du Quai et celles de seniors reconnus, issues pour la plupart des Fonds régionaux d’art contemporain de l’Est de la France.

Les objets et la vie

C’est ainsi qu’à l’organigramme très précis d’une maison de disque réellement fictive de Pascal Auer répond une sculpture de Bertrand Lavier matérialisant une œuvre contemporaine inventée par le Journal de Mickey. Cette dernière entre elle-même en résonance avec les oreilles de la célèbre souris dessinées sur le sol avec des sequins par Laurie Franck.

Les objets, entre ready made et bricolage, tiennent une grande place : dents installées sur trois planches suspendues de l’Amérindien Jimmie Durham, brouette en feu de l’Espagnol Federico Guzman, kayak grillé — et dénudé — de Jean-Michel Sanejouand, étagère anti-Ikéa de l’Américain Joe Scanlan, tente vivant au rythme du passage des voitures de Roman Signer, tissu pourpre enchâssé dans un cercle d’alu, simplement posé au sol, de l’Allemand Reiner Ruthenbeck…

La vie est aussi bien présente à la Kunsthalle. Les deux perruches qui chantent dans leur cage vectorielle torturée ne diront pas le contraire. Les deux installations vidéo y participent également : Jérémy Ledda détruit consciencieusement une porte à la hache et se projette sur la même porte intacte et Claire Willemann construit un puits d’images où une nature subliminale sourd doucement.

Deux œuvres frappent particulièrement le regard. L’homme surchargé d’objets de consommation colorés de Daniel Firman semble organiser tout l’espace de la Kunsthalle autour de lui, comme dans une chorégraphie immobile. Et, tout au fond, l’immense Abyssinie de David Renaud, plan en relief quasi fractal, fait directement référence à Rimbaud. Ce qui boucle la boucle vers Verlaine et ses Romances sans paroles, où l’on peut — notamment — lire ce vers : « Vous n’avez rien compris à ma simplicité, rien, ô ma pauvre enfant ! »
Olivier Chapelle

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